Ma réponse à N.Sarkozy, l’Etat de droit ne s’invoque que pour le défendre.
- leabalage
- 29 sept.
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Ce vendredi, je me suis rendue à la prison de la Santé, là où Nicolas Sarkozy doit purger sa peine. Ce geste n’était pas dicté par la curiosité ou par le voyeurisme, mais par une conviction profonde : il est essentiel de rappeler que même un ancien président de la République demeure un justiciable comme les autres. La République n’a rien à craindre de ce constat, au contraire. Elle se grandit chaque fois qu’elle affirme que nul, aussi puissant fût-il, ne peut se soustraire à la règle commune.
L’État de droit repose sur une idée simple : l’égalité de toutes et tous devant la loi. Cette égalité ne saurait être à géométrie variable, fonction de la dignité des fonctions exercées ou de l’influence des personnes concernées. La justice n’est pas une faveur, elle n’est pas davantage un privilège : elle doit s’appliquer avec la même rigueur et la même impartialité à chacun. C’est pourquoi il est si important de rappeler, à travers ce cas, que l’ancien chef de l’État, comme n’importe quel citoyen, peut être condamné et doit exécuter sa peine.
Depuis quelques jours, nous entendons de la part de responsables politiques, de journalistes et même de célébrités que cette condamnation serait un scandale.
Et nous voilà à commenter un jugement qu’aucun n’a pris le temps de lire. Nous n’entendons pas les mêmes cris d’indignation lorsque des anonymes sont condamnés pour les mêmes faits aux mêmes peines.
La fonction présidentielle n’est ni un totem d’immunité, ni un bouclier. Je crois au contraire que le véritable honneur de nos institutions est de démontrer qu’aucun titre, pas même le plus élevé, ne confère d’impunité. Nicolas Sarkozy a été condamné, notamment pour association de malfaiteurs, à une peine de prison ferme. Cette condamnation n’est pas le fruit d’une cabale ou d’une vengeance partisane, mais d’un travail judiciaire mené par des magistrats indépendants, au terme d’un procès respectant toutes les garanties du contradictoire. Il faut avoir le courage de le dire sans détour : il ne s’agit pas d’un accident, encore moins d’un abus, mais bien d’une décision de justice qui engage le peuple dans son entier, puisque c’est en son nom qu’elle est rendue.
Les méfaits sont graves : il s’agit d’une entente conclue entre Nicolas Sarkozy et ses plus proches collaborateurs pour sceller un pacte de corruption avec le dictateur Khadafi, par l’intermédiaire du terroriste libyen Abdallah Senoussi.
Ce qui est en jeu dépasse largement le sort d’un homme. C’est la question de la probité de celles et ceux qui prétendent gouverner au nom de l’intérêt général. La défiance citoyenne à l’égard des responsables politiques est immense, et elle s’enracine en grande partie dans le sentiment que les élites bénéficient de passe-droits, de protections, d’une justice à part. Chaque fois que des affaires de corruption, de trafic d’influence ou de détournements entachent des dirigeants, c’est toute la démocratie qui s’en trouve fragilisée. Face à cela, la seule réponse possible est la transparence, la reddition de comptes et une exigence de probité absolue. Les élus doivent accepter d’être jugés avec la sévérité qu’exige le devoir d’exemplarité.
Cette probité n’est pas seulement un garde-fou contre des dérives individuelles, c’est la condition de l’expression de l’intérêt général dans tous les espaces de décision politique.
Cette affaire doit aussi nous inviter à interroger nos institutions. Comment parler d’égalité devant la loi quand les ministres et anciens ministres continuent à bénéficier d’une juridiction d’exception, la Cour de justice de la République ? Sa suppression est une nécessité démocratique. Rien ne justifie que les membres du gouvernement échappent aux juridictions ordinaires.
Maintenir ce privilège, c’est nourrir l’idée délétère d’une caste politique protégée, comme si l’exercice du pouvoir devait être entouré d’une immunité permanente. Au contraire, ceux qui gouvernent devraient être les premiers soumis au regard impartial de la justice.
C’est pourquoi ma visite à la Santé n’était pas tournée vers le passé, ni seulement vers le cas particulier de Nicolas Sarkozy. Elle portait un message d’avenir : une République d’exigence, et non d’indulgence. Une République où la probité des élus n’est pas une option morale, mais le socle d’une démocratie vivante. Une République où les plus puissants acceptent d’être jugés à l’aune du droit commun, sans privilège ni protection spéciale. Une République qui ne supporte aucun coup de canif au contrat social de défense de l’intérêt général face à la pression d’intérêts particuliers.

