israel - palestine : quatre jours aux côtés de celles et ceux qui refusent la haine
- leabalage
- 19 mai
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Dernière mise à jour : 23 mai
Depuis les attaques terroristes du Hamas le 7 octobre 2023, le conflit israélo-palestinien ravive en France des représentations figées et des préjugés tenaces. Depuis 18 mois, il alimente la polarisation du débat public, où des communautés et des organisations sont trop souvent mises dos à dos. Pourtant, nous devrions au contraire chercher à prendre de la hauteur et participer à la recherche de solutions, à la construction de la paix et à un dialogue juste.
Quand nous ne sommes ni sous les bombes, ni en train de mourir de faim comme à Gaza, ni sans nouvelles de nos proches comme en Israël, ni harcelés par des colons violents avec le soutien de l'armée en Cisjordanie, notre première responsabilité est d'écouter les voix de celles et ceux qui, là-bas, militent pour la paix.
C’est le sens du voyage en Israël et en Palestine auquel j’ai participé du 7 au 11 mai, à l’initiative de l’association Les Guerrières de la Paix. Pendant trois jours, j’ai rencontré des militantes et militants de la paix, israéliens et palestiniens, et j'ai participé au sommet "It's Time" organisé par plus de 60 ONG à Jérusalem.
Voici un récit subjectif de ces rencontres marquantes.
Le premier jour, nous avons d’abord été à Hébron, une ville symbolique de l’accélération de la colonisation en Cisjordanie. Plus grande ville de ce territoire occupé illégalement par des colonies israéliennes, la ville est divisée en deux depuis 1997 et le protocole d’Hébron. Une partie est sous la souveraineté de l’autorité palestinienne (H1) et l’autre sous celle d’Israël (H2). Alors qu’une force internationale était mandatée pour observer la situation, son mandat a été révoqué par Netanyahu en 2019. La colonisation s’accélère et les contraintes qui pèsent sur les palestiniens qui résident dans la ville s’accentuent : des dizaines de points de contrôle, des jets de pierre sur les maisons à tel point que les fenêtres sont grillagées, la construction de route qui entrave les déplacements, une présence de l’armée intensifiée. Ce processus conduit au départ de nombreux Palestiniens d’Hébron.


A Gush Etzion, entre plusieurs colonies et avant-postes, nous avons rencontre Ali Abu Awwad, activiste palestinien pour la paix. Après avoir participé en tant qu’adolescent à la première Intifida et avoir été plusieurs années en prison en Israël, il y découvre la force de la non-violence. Alors que son frère est tué par un soldat Israélien, il rencontre le cercle des familles endeuillées et commence son militantisme pour la paix et la solution à deux Etats. Il porte un plaidoyer pour la rencontre entre palestiniens et israéliens, un nouveau leadership au sein de l’Autorité palestinienne qui puisse apporter une réelle représentativité des aspirations de la population en Cisjordanie et assurer la souveraineté palestinienne.Nous avons également rencontré Laila Alsheikh, une militante palestinienne qui vit à Bethléem. A la suite du décès tragique de son fils de 6 mois survenu parce que des ckech-points l’ont empêchée de le conduire rapidement à l’hôpital, elle a rejoint le forum des familles endeuillées. Elle y a rencontré des années après un des soldats qui l’avait empêchée de passer avec son fils malade qui avait quitté l’armée après avoir pris conscience de ses actions. Ils participent ensemble à la promotion du dialogue et la reconnaissance des peines mutuelles.


Enfin, nous avons rejoint Ramallah pour y rencontrer des activistes et journalistes palestiniens qui travaillent concrètement à la préservation de la continuité territoriale de Cisjordanie et à la mise en place de la solution à deux Etats. Je voudrais notamment partager avec vous l’initiative de Genève qui date de 2003 et qui continue d’être portée par une coalition d’ONG israéliennes et palestinienne dont la Palestinien Peace Coalition dont j’ai rencontré le directeur, Nidal Foqaha. Il s’agit d’une vraie proposition de pour assurer la solution à deux Etats, qui pose dans le débat la continuité territoriale de la Palestine, le déplacement des colonies illégales de Cisjordanie et un partage clair de Jérusalem. Des solutions concrètes existent dans la société civile, elles doivent pouvoir trouver un écho dans nos débats nationaux.

Ramallah - Avec Nidal Foqaha - Directeur de Palestinian Peace Coalition D’autres propositions de plan existent également, comme celui exposé par l’ancien Premier ministre israélien Ehud Olmert et l’ex-chef de la diplomatie palestinienne. Nasser al-Kidwa présenté lors de la conférence It’s Time qui s’est tenu le 9 mai à Jérusalem Est à l’initiative de 60 ONG.Lors de cet évènement, nous avons pu entendre des témoignages de personnalités israéliennes et palestiniennes engagées en faveur de la fin du conflit et une solution pacifiste qui assurent la reconnaissance et la légitimité des deux peuples à vivre en liberté et en sécurité.
Conférence It’s Time
Le troisième jour, nous avons rejoint ce qui est appelé l’enveloppe de Gaza. Nous entendions les bombardements de l’armée Israëlienne à quelques kilomètres. C’était insoutenable tant cela montrait l’impuissance organisée de la communauté internationale qui n’a toujours pas empêché le Gouvernement de Netanyahou de poursuivre ses volontés de massacre des populations civiles dont les enfants sont les principales victimes. Nous avons visité un des kibboutz attaqué le 7 octobre à Be’eri et rencontré le fils de Vivian Silver assassinée lors de l’attaque terroriste du Hamas, Yonathan Zeigen. Il nous a raconté l’engagement pour la paix de sa mère, son activisme courageux au service des mères israéliennes et palestiniennes des mouvements Women Wage Peace et Women of the Sun qui organisaient une marche quelques jours avant sa mort.
Les mots de son fils continuent de m’inspirer : n’importez pas le conflit, exportez des solutions. Nous ne pouvons pas nous venger par la mort. Nous avons besoin de la paix.
A Be’eri, nous avons eu la chance d’entendre l’histoire d’oeri Shifroni qui a survécu aux attaques et fondé le projet Kumu qui demande notamment une enquête sur la responsabilité de l’armée et de l’Etat dans la survenue du 7 octobre et sa gestion par les autorités publiques.

Le soir, après avoir rencontré des familles d’otages à Tel Aviv, j’ai échangé avec les membres de Standing Together, une ONG créée en 2015 qui a notamment participé à la protection des camions d’aide humanitaire à destination de la bande de Gaza, menacés par des militants et colons d’extrême-droite.

Au moment où Netanyahou accélère sa volonté de prendre le contrôle de Gaza et de vider ce territoire de sa population en la massacrant par les bombes et la famine, il pourrait paraître absurde de parler de la paix et d’une solution de coexistence possible. Je crois cependant que c’est parce que nous sommes à un moment de bascule qu’il faut amplifier encore plus fortement les voix de la paix.
Tout d’abord parce que cette paix procèdera de la justice et donc de l’arrêt du génocide en cours à Gaza, du retour des otages sans délai et, in fine, de la traduction des crimes devant les juridictions compétences. Ensuite, parce qu’une paix ne sera durable que par la reconnaissance des légitimités réciproques des israéliens et des palestiniens à vivre sur ce terre en sécurité et en dignité et que cela ne sera possible qu’avec la garantie de la continuité territoriale de Cisjordanie et donc l’arrêt de sa colonisation encouragée notamment par le Bloc de la foi.
Enfin, parce qu’au milieu du chaos, il existe des personnes qui se battent avec courage, encourant des risques pour elles et leurs proches afin de défendre la justice et la paix et que notre responsabilité est d’abord de les soutenir.





